#MabrikaDominica Bienvenu en Dominique
Je reviens de là-bas. Là-bas, c’était au Chili. C’était la Patagonie. C’était l’Ojos del Salado. C’était loin. Comme hier. C’était jaune et gris, blanc parfois, sur le chemin des étoiles. Ici c’est la Dominique. Ici c’est vert. Si vert, comme si le bon Dieu avait donné un coup de pied dans son pot d’engrais. Ici j’ai la mer pour piscine, la forêt amazonienne pour jardin, des couchers de soleils flamboyants comme lampe de chevet. Les froides et vertigineuses contrées désertiques du Chili où j’ai voulu côtoyer les dieux ont laissé place aux verts paysages luxuriants de la Dominique. Ici, je cueille des pamplemousses en me promenant dans les bois. Il y a de la cannelle, du tabac, des fèves de cacao, des épices… Ici il y a même des feuilles qui font déodorant. Ici les oiseaux font constamment des sessions tuperware et s’invitent au dîner. La nature est un supermarché à ciel ouvert. Ici tu t’assois pour que cela pousse.

Le temps me manque. Comme l’argent sans doute. C’est assez cher pour ne pas croiser de backpacker saoule dans les rues. Ici je trébuche dans la nuit au son des vagues de cette Mer Caraïbe qui m’ensorcelle de ces appels envoûtants. Oh vagues, cruelles sirènes.

Dans l’air retentit une chanson qui berça mes jeunes années. Come away with me – Norah Jones. Viens, pars avec moi. Cette mélodie traversait mes étés rêveurs d’adolescents aux fenêtres grandes ouvertes sur la campagne dans lesquels les rideaux s’engouffraient. J’arborais alors, tel un fier tatouage, cette insouciance du lendemain qui plus jamais ne me quitta. Je rêvais de liberté. De paysages sans frontières. J’étais seul alors. En voyage, presque toujours je le suis. Destinée choisie.

Je dîne, invité à l’hôtel Jungle Bay Dominica, petit écrin de paradis adossé à une falaise avec vue sur la mer. J’ai l’impression d’être, avec ma frimousse enchevêtrée et mes vêtements trempés par la marche comme une tâche dans le décor, un cafard en costard, alors que le Grand Peintre accroche une à une les étoiles sur son tableau infini. Je noie dans mon trop grand et trop beau bungalow ma soudaine mélancolie avec un verre de rhum local. J’oublie rapidement dans mon hamac, bercé par les vagues fouettant les roches de feu, mon vain chagrin qui gêne en ces lieux de loisirs. Je ne suis pas de ceux qui s’ouvrent avec une bière comme un tournesol noyé au soleil. Il me faut quelque plus fort alcool pour dérouler mon histoire. Sang polonais sans doute.

Sur la route qui entrelace quelques villages dont je ne garde en mémoire que les vives couleurs flamboyantes des devantures parfois décrépies, quelques jeunes rastas désœuvrés assis sur des enceintes géantes comme des princes déchus sur leur trône et des fanons bleus et rouges virevoltent sous la brise comme les feuilles dans les arbres. Période d’élection. Période de doute. Période de troubles ?

Les rouges fourmis nettoient les rues me dit-on alors que les bleus cigales se prélassent au soleil. On dirait deux groupes de supporters de foot qui s’affrontent. Tout ce remue-ménage de faux printemps pour une élection ? Je reçois un retentissant “Oh Yes !” venant du siège conducteur.

Le rouge c’est le gouvernement, le statut quo. Le bleu c’est le souffle nouveau, le changement. C’est ainsi que mon conducteur, joyeux homme aux cheveux gris que bon nombre connaissent et qui tout le monde ici salue, interprète ce monde bipolaire. Il fait bon de filer à travers cette jungle pleine de vie qui tout avale. La Dominique est comme un vert dragon endormi. Parfois, ici et là, on découvre sa gueule fumante crachant quelques eaux bouillantes et quelques trésors aux pieds des cascades arc en ciels.

Ici la végétation m’enserre telle une amante insatiable. Sous ses fins et longs doigts de liane elle s’accapare mon corps et mon âme. Parfois la brûme et la pluie me rattrapent. C’est comme si ces vertes montagnes pleuraient ma venue. Moi l’enfant soldat d’une civilisation sciant souvent sans pitié. Mais malgré quelques tronçonneuses rouillées, la Dominique reste verte à foison. Perle de jade au milieu d’un océan de saphir, son doux sommeil, loin, trop loin aux yeux de certains, de cette frénésie de croissance dédiée au dieu consommation, est son plus précieux trésor.

Ici je m’adapte. Tel le caméléon. Si on me demande ce que je fais, dites que je ne fais rien. J’explore. Car la Dominique est toute mienne à explorer. D’ailleurs, j’ai en projet une balade. Un court chemin. C’est aussi la raison de ma venue. 185Km à travers le plus beau sentier des Caraïbes : le Waitakubuli national trail. Pour le simple plaisir de cueillir quelques juteux pamplemousses et de déjeuner dans des “rastarants” cachés dans les feuillages. Pour le simple plaisir de vivre de nouvelles aventures. Encore et toujours. Pour le simple plaisir de vivre… marchant parfois trempé jusqu’au os dans une forêt où se donne en concert mille oiseaux.

Une nouvelle chanson passe au bar… It’s a new day, it’s a new life… I am feeling good…


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Merci à l’OT Discover Dominica pour l’invitation.