Il existe en Pologne une expression qu’on ne peut traduire sans en perdre un peu de souffle :
« Rzucić wszystko i wyjechać w Bieszczady » tout laisser tomber et partir vivre dans les Bieszczady.
Malheureux, ne tentez pas de la prononcer : cette avalanche de consonnes risquerait bien d’érafler votre gorge. Contentez-vous d’en saisir le sens : le désir de fuite, simple et pur, comme un feu intérieur.

Les Bieszczady, c’est l’extrémité sud-est du pays, un repli du monde où les routes s’effacent dans les forêts. Région de lisière, entre Ukraine et Slovaquie, quelque peu oubliée des circuits touristiques.
Imaginez un croisement entre les Cévennes et le Larzac, avec une lumière d’Écrins sans sommets, un pays où les collines respirent lentement. Ici, la nature n’est pas décor, elle observe.

Depuis toujours, les Bieszczady attirent les solitaires, les fatigués de la modernité, ceux qui ont troqué le vacarme contre le vent. Les Polonais les appellent parfois les anges des Bieszczady, comme s’il fallait un peu d’innocence pour choisir la lenteur.

Ce soir, à l’auberge Karczma Zajazd pod Caryńską, les voix montent doucement, une guitare accompagne un chant local, et dans ma tasse, le vin chaud fume comme un feu de camp. Je me prépare à raconter cette région comme on ouvre une fenêtre sur l’automne, avec pudeur, et un peu de gratitude.

NOTRE ITINÉRAIRE DANS LE PODKARPACIE

Nous avons quitté Poznań, tout au nord-ouest, comme on tourne une page.
Un long trait de route nous a menés jusqu’à Cracovie pour une halte nocturne, douce et familière, avant de filer vers l’est, là où le pays commence à se taire.

Depuis Cracovie, le trajet se déroule sans heurts. Rien à voir avec la route qui descend vers Zakopane, saturée de publicités criardes comme des lucioles agressives dans la nuit. Ici, le paysage respire et laisse passer la lumière.

On peut venir en bus ou en train, bien sûr, mais les Bieszczady réclament un peu de liberté. Certaines vallées se cachent derrière des pistes étroites, certains hameaux sont posés si près de la frontière qu’ils semblent oublier à quel pays ils appartiennent. Pour cela, la voiture n’est pas un luxe : c’est un passeport.

De Sanok à Krosno, en passant par Ustrzyki Górne, porte d’entrée idéale vers les crêtes, nous avons parcouru une région où chaque détour semblait ouvrir un chapitre différent.

Musées en plein air, églises orientales, draisines roulantes sur d’anciennes voies ferrées, cours de cuisine aux fourneaux anciens, balades à pied ou à cheval, photo-safari parmi les traces de bisons, voile sur le lac de Solina — ce voyage a été un carnet de découvertes autant qu’un retour à soi.
Et entre deux routes et deux sentiers, quelques havres : le Magnolia du manoir de Kombornia, salué par Magda Gessler et Gault&Millau, où la cuisine parle bas mais juste.

ITINÉRAIRE dans les Bieszczady

  1. Jour 1 – Sanok et ses attractions
  2. Jour 2 – Bieszczady et Połonina Caryńska
  3. Jour 3 – Bieszczady Balade à cheval dans les Bieszczady
  4. Jour 4 – Bieszczady et la Route de l’Architecture en Bois
  5. Jour 5 – Polańczyk et le lac de Solina
  6. Jour 6 – Photo-safari et Uherce Mineralne
  7. Jour 7 – Krosno, Rymanów-Zdrój, Haczów, Kombornia
  • Que manger et où manger dans le Podkarpacie ?
  • Où dormir dans le Podkarpacie ?


1. JOUR 1 – SANOK : MUSÉES ET DÉCOUVERTES

On arrive à Sanok comme on entre dans une parenthèse, un entre-deux du monde. Ici, les voix se font plus basses, les gestes plus anciens, les ombres s’épaississent dans les chemins comme si l’on touchait encore la membrane fragile entre l’homme et la nature.

J’étais venue pour échapper durant quelques jours à l’effervescence de la ville, j’y ai trouvé des récits tissés d’un temps long qui n’est plus. Le silence des montagnes polonaises commençait déjà à filtrer dans les veines de ces murs et de ces bois oubliés.

MUSEE “BUDOWNICTWA LUDOWEGO” A SANOK
adresse: ul. Rybickiego 3, 38-500 Sanok ┃ Horaires d’ouverture : Lundi 8:00-12:00 (entrée gratuite), mardi-dimanche. 9:00-14:00 ┃
site officiel (en anglais) – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”

Musée de la Construction Rurale (Skansen)

Né en 1958 de l’intuition de Jerzy Tur et porté jusqu’à son ouverture en 1966 par Aleksander Rybicki, le skansen de Sanok est un archipel de bois étalé sur quarante hectares. Ici, les maisons des Boïkos, Lémkos, Pogorzans et Dolinians semblent attendre celui qui saura encore écouter le vent.

Fermes, moulins, ateliers, églises latines ou orientales forment un village dispersé dans le temps. On pourrait y marcher dix heures sans tout épuiser et pourtant, ce ne serait qu’effleurer la surface.

Sous nos pas, le sol n’est pas seulement terre : c’est la mémoire compacte, lente, tenace du temps qui passe. Artur Górecki, notre guide, parlait comme on transmet une flamme, non pas pour l’exhiber, mais pour qu’elle survive. Il se fit équilibriste car le temps nous vint à manquer mais sa passion de la transmission nous fit oublier les minutes perdues.

La visite prit fin à la taverne que l’on nous conseilla, a juste raison de teste, ou Magda y dégusta des hreczanyki, les boulettes de sarrasin avaient le goût des vies discrètes qui refusent de disparaître.

Musée historique de Sanok – Galerie Beksiński

Chez Beksiński, on entre comme on descend dans une cave profonde, lampe à la main et souffle retenu. Architecte de formation, photographe, sculpteur, peintre sur verre avant d’embrasser la figuration fantastique, il n’a jamais cessé de changer de peau.

La galerie de Sanok rassemble près de six cents œuvres, offertes de son vivant ou par testament : dessins d’enfant, visions d’os et de brumes, et ce dernier tableau, fixé le jour même où la mort l’a saisi, comme une porte qu’il aurait refermée derrière lui.

Aujourd’hui encore, ses paysages impossibles alimentent les cinéastes, les écrivains, les concepteurs de jeux vidéo, on murmure que certaines ambiances de Dark Souls ou The Witcher portent son ombre. Le monde moderne cherche dans ses toiles ce que nous avions presque oublié : la part nocturne de l’âme.

Marcher au milieu des toiles de la galerie semble parfois comme une échappée onirique dans des cauchemars sinueux dont nous n’arrivons pas à nous défaire. Certaines, de par leur esthétisme fantastique, nous attirent immanquablement, alors que d’autres nous dérangent dans une vision apocalyptique de fin du monde.

MUSEE HISTOIRE DE SANOK
adresse: ul. Zamkowa 2 38-500 Sanok ┃ Horaires d’ouverture :
02.11 – 31.03: lu. 8:00 – 12:00, mar-mer 9:00 – 17:00, jeudi-dim. 9:00 – 15:00
01.04 – 31.10: lundi. 8:00 – 12:00, mardi – dim 9:00 – 17:00 ┃
site officiel (en anglais) – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”

Jour 2 – Randonnées dans les Połonina Caryńska

Depuis Sanok, nous avons gagné Ustrzyki Górne, quelques maisons posées au bout du monde, et pris refuge au Zajazd pod Caryńską. De là, les sentiers partent presque sous la fenêtre.

Le sentier rouge vers Połonina Caryńska (1297 m), rouge vers Tarnica (1346 m, toit des Bieszczady), bleue vers Wielka Rawka (1307 m). Nous avons choisi Caryńska : une montée de 2 h 30 (668 m D+), 1 h 30 de descente, rallongées de pauses, de souffle coupé (les restes du Covid) et de silence forestier.

Le chemin s’élève d’abord dans une hêtraie dorée qui peut devenir quelque peu piégeuse si le chemin est boueux ou verglacé. Un chemin où la lumière tombe comme une poussière ancienne, puis s’ouvre soudain sur la połonina, ces prairies subalpines que les anciens bergers ont maintenues vivantes.

Là-haut, le vent efface les phrases superflues. Le regard court sur Wielka Rawka, Wetlińska, Tarnica, Halicz, un chapelet de crêtes posé sous le ciel.
Nous n’avons été que des marcheurs au souffle court, tels des convalescents post-covid, modestes dans l’effort, mais le sommet n’exigeait rien.

Il invitait. Et nous avons répondu par le simple fait de rester assis longtemps, à regarder l’automne s’étirer sur les montagnes comme une respiration lente.

Jour 3 – Bieszczady à cheval

Le troisième jour, nous avons quitté les sentiers à pieds pour Polana, où les montagnes s’offrent mieux à dos d’animal qu’à pas d’homme. L’après-midi était réservée à une longue sortie à cheval, première fois vraiment prolongée pour Magda… et à cru, simple pad pour seule protection.

Un peu d’appréhension, pour cette première pour Magda mais l’excitation tranquille de retrouver une force plus ancienne que nous.

Nous avions rendez-vous avec Jan Myśliński, de l’écurie Tabun, fondée dans les années 1980 par son père Stanisław, la première écurie de chevaux houtsoules des Bieszczady. Ici, les chevaux vivent en plein air toute l’année, sur pâturages ouverts. L’élevage est un engagement, pas un décor : endurcissement au vent, aux saisons, au réel. Et pour les cavaliers aguerris, Tabun mène des raids de plusieurs jours, voir une semaine à travers les montagnes.

Le houtsoule n’est pas un cheval d’apparat : petit, robuste, patient, taillé pour les pentes et les chemins de traverse. Descendant des Carpates orientales, compagnon des bergers et des voyageurs, il porte sans plainte et pose ses pas avec fermeté et sagesse. Aujourd’hui encore, on le retrouve en hippothérapie et en agrotourisme, là où la relation compte autant que le mouvement.

On nous a conduit sur une colline où paissait le troupeau. Les chevaux sont arrivés à l’appel, silhouettes calmes découpées dans la lumière tombante d’automne. Puis la balade : plusieurs heures à travers collines et prairies, l’horizon qui s’ouvre et se referme, le souffle du cheval sous les jambes.

Au retour, un moment suspendu : nos montures ont appelé le troupeau, et tous sont venus.
Une reconnaissance, peut-être. Ou simplement le souvenir que nous ne faisons que passer dans un monde qui, lui, continue.

Élevage de chevaux TabunSTADNINA KONI TABUN
adresse : Polana 74a, 38-709 Polana ┃ Tarifs : individuel 60 zł/h / pour débutant avec accompagnateur : 70zł/h
site officiel – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”

Jour 4 – Muczne, Jeleniowaty & la Route du Bois

Nous avons pris la route vers Muczne, à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne. Là, dans un enclos de 7 hectares de forêt, vivent douze bisons, partie visible d’une population de 719 individus dans les Bieszczady (seconde de Pologne après la forêt de Białowieża).

Exterminés pendant la guerre, les bisons ont été réintroduits dès 1963 ; l’enclos actuel, ouvert en 2012, travaille encore à mêler les lignées venues de Pologne, de France, d’Allemagne, de Suisse. Sur les terrasses couvertes, on observe ces corps massifs brouter paisiblement.

Enclos d’observation à Muczne – ZAGRODA POKAZOWA W MUCZNEM
adresse: Stuposiany 1A, 38-713 Muczne ┃ entrée gratuite ┃
Horaires d’ouverture (tous les jours): 9:00-19:00

Au-dessus, le Jeleniowaty (904 m) dresse sa tour panoramique (34 m, ouverte en 2020). Depuis le Centre de Promotion de la Foresterie, la montée est courte mais raide : autour de 40 minutes si l’on s’accorde le temps de respirer et de regarder.

Au sommet : Halicz, Bukowe Berdo, Połonina Caryńska déroulent leur lente géographie sous la lumière d’automne. On voit les territoires ukrainiens au loin.

La descente passe par le sentier Brenzberg, qui rappelle le massacre de 1944 : là encore, la montagne se souvient plus longtemps que nous. Déjeuner à Siedlisko Carpathia : bois, chaleur, cuisine franche.

Tour d’observation du mont Jeleniowaty – Wieża widokowa na Jeleniowatym
adresse: Muczne 1, 38-713 Muczne / Coordonnées GPS du Centre de Promotion de la Sylviculture (point de départ du sentier) 49.1646° N, 22.7221° E
Tour d’observation – Wieża widokowa na Jeleniowatym : 49.1569° N, 22.7427° E – altitude 904m

L’après-midi, nous avons suivi la Route de l’Architecture en Bois. Elle se compose de 1 202 km, 130 édifices, neuf segments de mémoire charpentée.
Smolnik : l’église grecque-catholique Saint-Michel Archange (1791), inscrite au patrimoine UNESCO 2013, silhouette solitaire sur une colline : vestige du style boïko, effacé des cartes après la guerre.

♦ Cerkiew św. Michała Archanioła w Smolniku ♦
adresse: Village : Smolnik, Gmina Lutowiska, Powiat Bieszczadzki
Coordonnées GPS: 49°12′34.646″ N, 22°41′15.959″ E.
mention site touristique officiel (en polonais) – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”

Non loin, la boutique Bieszczadzka koza et ses fromages. Un arrêt culinaire.

Michniowiec, Czarna Góra (Saint-Démètre, 1834, iconostase de 1882), Bystre : églises en poutres empilées, tripartites, parfois converties, parfois désaffectées, parfois figées dans une attente muette.

Eglise de la Nativité de la Mère de Dieu à Michniowiec – Cerkiew pw. Narodzenia Bogurodzicy w Michniowcu
adresse: Michniowiec, 38-710 Bystre, voïvodie de Podkarpackie
Coordonnées GPS approximatives : 49°17′49″ N, 22°43′56″ E
mention site officiel en polonais – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”


A Czarna Góra, nous avons regardé le soleil tomber derrière les crêtes, tandis qu’à Michniowiec, les amateurs reconnaîtront l’un des décors de la série HBO Wataha.

Paroisse de Czarna Górna – Kościół pw. Podwyższenia Krzyża Świętego w Czarnej Górze
adresse: Czarna Górna 110, 38-710 Czarna Górna
site officiel (en polonais) – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”

Le soir, nous avons rejoint Rajskie : Eden Rajskie SPA, un nom presque ironique après tant de silence.

Mais la montagne, elle, continuait de parler.
Il suffisait de ne pas faire de bruit.

Jour 5 – Polańczyk & le lac de Solina

Après la nuit à Eden Rajskie SPA, nous avons repris la route vers le lac de Solina, ce miroir immense qui explique pourquoi, dans ces montagnes sans mer, on chante pourtant des chansons de marins.

Ici, on peut marcher le matin et naviguer l’après-midi : un luxe rare. À 10h, nous avions rendez-vous pour cinq heures de voile, puis un déjeuner de truite et un coucher de soleil au belvédère de Polańczyk.

Le lac est né du barrage construit entre 1960 et 1968 pour dompter le San, rivière capricieuse qui inondait les villages chaque année. Environ 3000 habitants durent partir ; maisons démontées, fermes rasées, cimetières déplacés, mal parfois, dit-on, le cimetière de Sokole ayant été partiellement englouti.

Aujourd’hui, Solina est le plus grand réservoir de Pologne en capacité, et son barrage, 81,8 m, est le plus haut du pays. Autour, tourisme, voile, kayaks, et depuis 2022, une télécabine PKL grimpe jusqu’au mont Jawor, offrant la vue complète du lac comme une carte renversée sous le ciel.

Téléphérique de Solina – Kolej Gondolowa w Solinie
adresse: Solina, gmina Solina, voïvodie de Podkarpackie ┃ Horaires d’ouverture : Vente de billets jusqu’à 17h30 et dernier départ du téléphérique à 17h45 ┃
Tarifs:
– Saison basse (1.09.2025-30.11.2025) : billet aller-retour adulte 49 zł, réduit 39 zł. pkl.pl
– Saison haute (28.06.2025-31.08.2025) : billet aller-retour adulte 55 zł, réduit 45 zł. pkl.pl
– Billets spéciaux familles (ex. 2 adultes + 1 enfant) : 129 zł (saison basse) ou 139 zł (saison haute)
site officiel – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”

Nous sommes partis de la marina près du camping Zjawa, sur un voilier de Spinaker, guidés par le propriétaire, Wiktor Przybyła. Nous étions cinq à bord, accompagnés de Klaudia et Ewa. Soleil d’octobre, lumière souple et rasante, ciel bleu.

Premier arrêt : la baie de Michał “Gier” Giercuszkiewicz, batteur du groupe Dżem, qui vécut ici, sur un radeau, de 1996 à 2020. Une vie choisie hors du monde, « condamné au blues », dit la stèle.

Plus loin, nous avons longé Werlas, aperçu l’ermitage du “Roi des Vagabonds, Jules Ier”, puis glissé vers le barrage. Sur l’eau : autres voiliers, kayaks, villas accrochées à la pente.

Wiktor racontait : la construction du lac, les régates, l’ancien centre militaire, CZART Granie, le Zajazd pod Caryńską et, comme un refrain, les chants marins et Stare Dobre Małżeństwo.

La même bande-son qu’à Ustrzyki Górne, comme si la région avait son propre rythme cardiaque.

Charter de yachts Solina Spinaker – CZARTER JACHTÓW SOLINA SPINAKER
adresse: ul. Równa, 38-610 Polańczyk ┃ Tarifs: 200 zł pour 1 heure de croisière (max. 10-12 personnes)
site officiel (en polonais) – utiliser l’option clique droit et “traduire en français”

Le soir, nous avons monté la colline du belvédère de Polańczyk (GPS : 49.36817, 22.42487). L’endroit est connu, fréquenté, parfois bruyant. Peu importe.
La vue y est telle qu’on se tait spontanément.


On regarde le soleil descendre sur les crêtes, les sommets violacets et le lac se couvrir d’or et, durant ces moments, tout redevient simple.

Jour 6 – Photo-safari & Uherce Mineralne

Réveil dans le noir. À 5 h 45, à Nowosiółki, le monde n’avait pas encore décidé d’exister. Nous avons suivi Jerzy Wałachowski (Dzikie Bieszczady), cofondateur du musée “Knieja”, sur les chemins de la forêt.


Vêtements sombres, pas de parfum, appareil prêt, comme si l’on demandait au corps d’apprendre à devenir ombre parmi les ombres.

Le brame était fini cette année. Bien dommage : nous l’avions vécu en Lorraine en 2019, un grondement venu du fond du temps.

Ici, on dit qu’il y a plus d’animaux que d’habitants. Le Big Five local : loup, lynx, ours, bison, cerf élaphe.
Mais même avec la connaissance de Jerzy, rien n’est promis.
La forêt ne donne qu’à ceux qu’elle choisit.

Nous avons roulé en 4×4 dans les terres des Forêts Nationales de Baligród, zone Natura 2000, accès sur permis : un territoire où l’homme n’est toléré, jamais maître.

Les pentes d’automne brûlaient de rouges et de cuivres.
Avant les râteliers à foin, nous avons trouvé traces fraîches de bisons :
arbustes rompus, écorces arrachées, clairière aplatie.

Jerzy a murmuré : “La chambre à coucher des bisons.”
Mais ce matin-là, personne ne vint.
Un peu de frustration, oui, mais aussi un respect silencieux :
voir l’absence, c’est comprendre que la vie sauvage n’existe pas pour notre spectacle.
Nous reviendrons un jour et la chance nous sourire peut être.

Photosafari dans les Bieszczady – FOTOSAFARI W BIESZCZADACH – „DZIKIE BIESZCZADY”
adresse: les départs se font directement à un point de rendez-vous communiqué lors de la réservation.
Tarifs: Environ 600 PLN pour un groupe jusqu’à 6 personnes, départ avant l’aube, toute l’année
site officiel | Aperçu vidéo (YouTube) du safari : lien


Après cela, changement complet de rythme :
Uherce Mineralne et les draisines à pédales.
Plateforme 2,2 m x 1,75 m, deux pédaleurs, deux assis (un enfant en plus si besoin). Sur l’ancienne ligne 108 (150 ans), fermée au trafic, l’activité lancée en 2015 attire désormais beaucoup de monde.

Départ 11 h 30 vers Jankowce, environ 8 km, 1 h en tout.
Soleil d’octobre.
La forêt défilait lentement, comme si le monde était revenu à la bonne vitesse : celle du souffle humain.


À la gare, une voix reconnaissable : Tomasz Knapik annonce encore les départs. Un détail minuscule. Une madeleine sonore.

Draisine cyclable des Bieszczady – Bieszczadzkie Drezyny Rowerowe
adresse: Stacja Główna (ancienne gare PKP) Uherce Mineralne 62A, 38-623 Uherce Mineralne ┃ Tarif: 120–130 zł par draisine (selon l’itinéraire) ┃
Horaires d’ouverture : 9h00 – 16h00 ┃
site officiel en anglais

(120–130 PLN la draisine, réservation conseillée.)


Juste à côté, la Bieszczadzka Szkoła Rzemiosła, une école où l’on apprend en faisant :
tour de potier, calligraphie d’avant-guerre et atelier de proziaki, ces galettes simples cuites sur fonte.

Nous avons travaillé la pâte à la main, lentement. Peu d’ingrédients, feu doux, résultat franc.
Dans les voyages, il reste souvent ce qui tient dans la paume d’une main :
un goût, une odeur, un souvenir.

École bieszczadienne des métiers – Bieszczadzka Szkoła Rzemiosła
adresse: Uherce Mineralne 137, 38-623 Uherce ┃ Horaires d’ouverture : Mardi – samedi : 9h00 – 17h00 Fermé dimanche & lundi ┃ Réservation: via le panel de réservation ou sur place 10 minutes avant le début des ateliers (si places disponibles)
site officiel en polonais

Le soir, Krosno, hôtel Nafta.
Une chambre, une fenêtre, un peu de fatigue.
Le corps se souvenait du froid de l’aube.
La tête, elle, cherchait encore les bisons.

Jour 7 – Krosno, Rymanów-Zdrój, Haczów, Kombornia

Réveil à Krosno, à l’hôtel Nafta, puis visite du Centre du Patrimoine du Verre. Ici, la ville respire dans le souffle du feu depuis 1923, lorsque la verrerie fut fondée.

Centre du Patrimoine du Verre de Krosno – Centrum Dziedzictwa Szkła w Krośnie
adresse: Blich 2, 38-400 Krosno, Pologne ┃ Horaires d’ouverture : Lundi – Samedi : 9h00 – 17h00 (dernier accès pour la visite complète : 15h00) Dimanche : 11h00 – 17h00 (dernier accès : 15h00) ┃ Tarifs : Billet Centre du Patrimoine du Verre + Piwnice Przedprożne : 38 zł
site officiel

Dans l’atelier, deux verriers travaillent comme deux musiciens : l’un souffle et façonne, l’autre ajoute les gestes qui fixent la forme. La masse liquide devient poisson, coupe, éclat ; une matière née de la flamme puis confiée au froid.


Le verre y apparaît pour ce qu’il est vraiment : un instant figé entre fusion et disparition.
Une visite à ne pas manquer si l’on veut comprendre la patience humaine.

Ensuite, route vers Rymanów-Zdrój, station thermale depuis 1876, née de sources minérales découvertes par hasard.

Au début du XXe siècle, on y croisait Wyspiański, Przerwa-Tetmajer, Kasprowicz, Makuszyński, Staff, écrivains venus soigner corps et phrases.

Le parc thermal est toujours le cœur battant : buvette d’eaux gratuites (prendre sa bouteille), gradins salins, Zielony Domek, villas de bois aux balcons fatigués.
Un lieu qui ne demande rien, sinon de marcher lentement.

Puis Haczów :
l’Église de l’Assomption et Saint-Michel Archange, UNESCO 2003.
Probablement XVe siècle.
Architecture gothique en bois, poutres empilées, sans clous, comme si l’on avait bâti un navire de prière qui n’aurait jamais pris la mer.
À l’intérieur, polychromies gothiques : scènes d’Ancien et de Nouveau Testament, couleur encore vibrante malgré les siècles.

On entre, on baisse la voix sans réfléchir.
La foi ici n’est pas une déclaration, mais une respiration abritée dans le bois.

Église de l’Assomption de la Vierge Marie et de saint Michel Archange à Haczów – Kościół pw. Wniebowzięcia NMP i św. Michała Archanioła w Haczowie
adresse : Haczów 603, 36-213 Haczów ┃Visite guidée: possible sur réservation avec guide au 534 557 009
site officiel (en polonais)

Le soir, dîner à Kombornia, au restaurant Magnolia,
distingué par Magda Gessler et Gault&Millau.
Une table douce, précise, qui sait parler du Podkarpacie sans trop en dire.
Un repas pour refermer la route.
Une manière de remercier le monde d’avoir été généreux.

Que manger dans le Podkarpacie ?

Ici, la cuisine naît du bois, du vent et du lait.
Terres boïko et lémko, héritage pastoral, vallées où chaque colline portait jadis un troupeau : d’où les fromageries, les recettes simples, solides, qui tiennent au corps.

À goûter absolument :

  • hreczanyki – croquettes de sarrasin et viande, un goût franc, ancien ;
  • proziaki – galettes au kéfir et bicarbonate, levées comme un souvenir du foyer ;
  • fuczki – galettes de choucroute, souples et acides, pleines de montagne ;
  • et puis la truite, évidente comme une rivière.

Rien de compliqué.
Juste la vérité des ingrédients.


Où manger dans le Podkarpacie ?

Restaurant Magnolia : Manoir de Kombornia

Notre numéro 1.
Distingué par Magda Gessler et Gault&Millau.
Cuisine locale réinterprétée, produits du jardin et des fermes voisines, service doux, maison élégante.
Une table où l’on comprend que le terroir peut être murmuré, pas crié.
Incontournable.

Restaurant Magnolia au Manoir de Kombornia – Restauracja Magnolia w Dworze Kombornia
adresse : Park dworski w Komborni, Kombornia 1, 38-420 Kombornia |
Tarifs: Gamme de prix estimée : 40–80 zł pour les entrées, 70–140 zł pour les plats principaux, 20–40 zł pour les desserts.
heure d’ouverture : lundi au dimanche : 12:00 – 22:00
site officiel

Restaurant Naftaya – Hôtel Nafta, Krosno

Ouvert à tous.
Nous y avons dîné le Jour 6 : plats précis, belles associations, thé d’hiver remarquable.
Accueil chaleureux, une simplicité bien posée.

Restaurant Naftaya – Restauracja Naftaya w Hotelu Nafta
adresse : Lwowska 21, 38-400 Krosno
heure d’ouverture : midi- soir
site restaurant
site hotel nafta

Siedlisko Carpathia – Muczne

Foyer de bois, cuisine régionale, prix doux.
Parfait après l’enclos des bisons ou une marche.
On mange, on respire, on repart meilleur.

Auberge / Karczma du Siedlisko Carpathia à Muczne ) Karczma w Siedlisku Carpathia w Mucznem
adresse : Muczne 3A, 38-713 Muczne, Pologne
site officiel

Gospoda pod Białą Górą – Skansen de Sanok

Un classique.
Magda y a goûté les hreczanyki : généreux, honnêtes, authentiques.
La cuisine qui raconte l’endroit.

Auberge « Sous la Montagne Blanche » – Gospoda pod Białą Górą
adresse : Aleksandra Rybickiego 3, 38-500 Sanok
tarifs: plats typiques ~ 25-50 zł
heure d’ouverture : ouverture saisonnière
site officiel

Zajazd pod Caryńską – Ustrzyki Górne

Lieu d’hébergement non loin du départ de randonnées.
Talerz Bojka, truite, guitare le soir, Stare Dobre Małżeństwo
La chaleur humaine, tout simplement.

Auberge « Pod Caryńską » – Karczma w Zajeździe Pod Caryńską
adresse : Ustrzyki Górne 1a, 38-713 Ustrzyki Górne
site officiel


Où dormir dans le Podkarpacie ?

Hôtel Eden Rajskie SPA, Rajskie
Posé au bord du San.
Pierre, bois, eaux chaudes, saunas, piscines, grotte saline.
Un lieu pour déposer le poids du trajet.

Hôtel Eden Rajskie SPA
adresse : Rajskie 26, 38-610 Rajskie ┃ Tarifs: chambre Standard dès ~500 zł/la nuit
réserver une chambre

Zajazd pod Caryńską, Ustrzyki Górne
Base idéale pour les sentiers.
Famille, vues larges, vraie simplicité.

Auberge « Pod Caryńską » – Karczma w Zajeździe Pod Caryńską
adresse : Ustrzyki Górne 1a, 38-713 Ustrzyki Górne
réserver une chambre

Hôtel Nafta, Krosno
Extérieur sobre, intérieur spacieux.
Jacuzzi, sauna, massages, et Naftaya juste en bas.

Hôtel Nafta – Hotel**** Nafta Krosno
adresse : ul. Lwowska 21, 38-400 Krosno
réserver une chambre


Bilan de ce séjour dans les Bieszczady

Je suis venue parce qu’il me manquait quelque chose : une bouffée d’air frais polonaise.

Dans les Bieszczady, j’ai trouvé des paysages qui écoutent, des guides qui parlent avec le cœur, des rencontres qui comptent, et ce temps particulier qui, lui, ne se compte plus.

J’ai enfin compris pourquoi tant de Polonais parlent de « tout plaquer pour partir dans les Bieszczady ».
Ici, on ne « réussit » pas au sens des villes cosmopolites qui volent nos heures comme elle peuvent voler nos âmes, ici, on habite le monde, tout simplement.

Comme le disent les musiciens de Stare Dobre Małżeństwo :
ces montagnes attirent ceux qui ne trouvent pas leur place ailleurs.
On les appelle les anges des Bieszczady. Et si enfin trouver sa place n’est pas la plus belle réussite qui soit, alors je ne sais pas ce que serait le succès.


(Article rédigé lors d’un reportage en partenariat avec Polska Travel & Podkarpackie Travel. Mes impressions restent entièrement personnelles.)