Carnet de voyage au Japon.
Lorsque l’on se rend en direction de la la péninsule de Kii (紀伊半島), dans la région du Kansai; on entre dans une ville monastique, imprégnée d’ésotérisme et de mysticisme:

Cette ville perchée sur le mont Koya (Koyasan) à 800m d’altitude où, selon la légende, un moine bienveillant, Kôbô Daishi (弘法大師), plus connu sous le nom de Kûkai (空海) fonda la secte bouddhiste Shingon (真言宗), au retour d’un voyage initiatique en Chine, il y a 1200 ans de cela.

Infos pratique sur le mont Koyasan en fin d’article.

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Récit d’une nuit chez les moines de Koyasan

Péninsule de Kii. La sobre sonorité monosyllabique porte déjà en elle-même l’écho de la simplicité qui nous attend dans les brumes du mont Koya. Les paysages défilent sur la Nankai line. Magda s’est endormie sur mon épaule.

Collines et vertes forêts, villes et villages japonais s’enchaînent alors que la berceuse du train, seul bruit perceptible, affale et affole mes paupières. Comme à l’accoutumée, nous sommes les seuls étrangers dans le train, couple suscitant les regards parfois curieux des japonais mais qui restent discrets et, le plus souvent, enveloppés d’un sourire amicale suivi d’un hochement de tête délicat.

Pour certains, nous sommes le couple européen tels qu’ils se l’imaginent ou tel qu’il devrait être. Vivant son amour dans une tendresse sensible et respectueuse. Pour d’autres, comme nous l’apprendrons plus au vu de notre ressemblance, ils pensent que nous sommes frère et sœur et semblent fascinés par notre complicité fraternelle.

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Toudoum, toudoum. Fin du rêve éveillée. L’arrêt sonne à la gare de Gokurabashi. Le funiculaire nous attend. Je suis surpris d’entendre du français. On monte lentement sur la pente abrupte.

Le bus nous attend à la sortie, horaire parfaitement agencé avec l’arrivée du funiculaire, efficacité japonaise. La petite ville semble endormie, ce n’est pas la haute saison touristique, nous sommes en juin, milieu de semaine.

Nous arrivons au temple, shukubô (宿坊) en japonais traduit par « logement chez les moines » , les chaussures resteront à l’entrée. Une fois les affaires déposées dans la chambre, chacun se dirige consciencieusement à sa douche. Je suis seul. Je me frotte vigoureusement la peau, comme pour en chasser les mauvaises pensées et me me repose dans le bain relaxant. Seul dans l’onsen, nu, bien évidemment. Je réfléchis à la pudeur qui éloigne certains de ce lieu alors qu’ici, dans la nudité qui nous a vu naître, rien ne nous sépare. Nous sommes tous, jeunes et moins jeunes, religieux ou non, pauvres et riches, réunis dans la plus simple simplicité de notre appareil. C’est sans doute la beauté cachée de l’onsen, faire tomber les frontières le temps d’un bain. Si tout ceux qui se haïssent, qui entre-tuent, pour ces raisons si futiles dont la mort se gausse, si tous voyaient que dans notre nudité, rien ne nous sépare, le monde connaîtrait peut-être moins de conflits.

koyasan japon (4)Le temps, le mien du moins, semble figé dans ma réflexion. Ma peau est froissée comme un vieux chiffon. J’enfile mon peignoir, traverse le long couloir et hésite quand à la chambre. Toutes les portes se ressemble. Je m’habille de mon kimono et me rend au repas.

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On se relaxe à la vue du jardin et des estampes près des murs… les plats harmonieusement disposés sont végétariens. Ils cultivent leur propre légume. Nous mangeons lentement, savourant tant avec les yeux qu’avec notre palais chaque bouchée de cette cuisine cuisine shôjin (精進料理) de laquelle viande et poisson sont omis. La nuit s’invite telle une amie de passage et nous voilà déjà enveloppés dans nos draps dans cette chambre spartiate, mais confortable, aux murs de papier.

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Instant de prière à 6h après un éveil vers 5h. J’ai presque envie de me joindre avec eux dans ce champ guttural. Je me sens calme, apaisé… si ce n’est le prix qui n’est pas à la portée de toutes les bourses et particulièrement des nôtres, je pourrai rester longtemps à méditer en ce lieu, Magda à mes côtés. Loin du monde, loin des turbulences, loin de ce temps qui nous échappe en futilités. Si j’étais venu célibataire, je ne serai peut-être jamais reparti. Prisonnier volontaire d’un monde chaste, cloisonné, agencé par les obligations et les prières, visant le zokushin jôibutsu, l’état de plénitude de Bouddha. J’ai toujours été attiré par cette sorte de réclusion sur soi-même. Cette solitude voulue et assumée. Héritage personnelle d’une vie  durant laquelle mes parents travaillaient de nuit.

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Au dehors, c’est le déluge. Il pleut, dit-on, 32j par mois ici, nous annonce un moine dans une grand sérieux. Je ne saisirai la portée de son humour que plus tard. En effet, avec une pluie comme celle-ci on peut compter double. Ailleurs, les gens rapportent des photos ensoleillées… mais la pluie a ici tout son charme. Des ruisseaux naissent où ils n’ont pas lieu d’être. Le cimetière millénaire dans lequel cèdres et cyprès jouent les sentinelles voient naître des torrents qui slaloment entre les quelques centaines de milliers de tombes, sur fond de lanternes allumées. Les moines vont à leur prière, imperturbable. Je les imagine lorsque l’hiver les enveloppe, s’enfoncant en un rituel immuable dans la neige qui drape les pierres tombales tel des bonhommes de neige.

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Je flâne et observe sans voir, aveuglé par la pluie, traversant sans m’en rendre compte le pont Gobyôbashi (御廟橋), frontière invisible qui nous faire pénétrer dans la zone sacrée où se trouve le mausolée de Kûkai. La salle des lanternes, le Tôrô-dô (灯篭堂), est transpercée de milliers de lanternes offertes par les pèlerins dont la flamme et la foi se doivent d’être éternels, sans cesse ravivés. On ne boit pas, on ne manque pas, on ne prend pas de photos.

Toc, toc, floc.
Pour ceux qui aiment l’esthétique japonaise, je conseille mon article sur un village typique japonais en automne : Shirawaka Go.

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Histoires, anecdotes et quelques chiffres concernant le Mont Koya

  • Alors que nous sommes le 8 mars, date de publication de cet article, (la journée de la femme), l’accès au mont y était interdit aux femmes jusqu’en 1872 (ère Meji) !
  • Le cimetière recèle plus de 200000 tombes dont certaines appartiennent à des personnages historiques du Japon des anciennes cours impériales, des familles nobles, des seigneurs féodaux les daimyô (大名) ou de grandes entreprises japonaises rendant hommage à leurs employés.
  • Le site fait partie du patrimoine mondiale de l’Unesco depuis juillet 2004
  • Il y a 117 temples à Koyasan dont le temple principal est celui de Kongobu-ji
  • C’est au sein du temple Kongôbu-ji (金剛峯寺), qui est le temple central de l’école Shingon, que sont gérés les 3600 temples appartenant au bouddhisme Shingon
  • Le pèlerinage de Shikoku ou le pèlerinage des 88 temples  (四国八十八箇所, Shikoku hachijū hakkasho?) est un pèlerinage de 1200km effectué sur l’île de Shikoku au Japon et qui comprend 88 temples.
  • A lire, mon voyage photo au Japon

Suivez ainsi le voyage de Aala, expat au Japon qui durant son tour du Japon de 10 00km et de 500j, effectuera justement ce pèlerinage durant sa -longue- balade.
Article : http://www.gaijinjapan.org/cap-10000-japon-mon-tour-du-japon-a-pied/

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Venir à Koyasan

Train

De Shinimamiya Station à Osaka, prenez le train Koya Line de la Nankai Line.

  • L’aller simple est à 1230 Yen. AR pour 2300 Yen valable pour un ou deux jours. Ce prix comprend un pass pour des trajets illimités avec le bus de Koya San ainsi que des réductions à certains temples
  • A savoir, les pass JR ne sont pas valable

De la gare de Gokurabashi, vous prendrez un funiculaire pour accéder au sommet de la montagne Koya. Le bus N°2 vous attendra à la sortie (les départs sont synchronisés).

  • 210 y jusqu’au centre de la ville ou 400 jusqu’à l’arrêt final Ukunoin Mae.

Temps de trajet total d’Osaka de 3-4h.

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Infos et liens utiles sur le Koyasan

Découvrir koyasan en agence : vous pouvez découvrir le mont Koya San en petits groupes, spécialiste de voyages authentiques et responsables au Japon. Ils proposent des circuits hors des sentiers battus avec les activités à ne pas manquer.

Arrivez dans votre shukubo avant 17h car le dîner est servi à 18h 😉 Pour certains temples, il est d’usage d’arriver encore plus tôt.
Les réservations pour les shukubo se font en général par mail en anglais.
Les prix d’un shukubo varient et vont de 7000 à 20 000+ y/ nuit / personne. Oui, c’est relativement cher mais le radin que je suis ne regrette aucunement et comprend l’assistance de Magda pour qui ce fut une -très-grosse dépense également

Option petit budget pour l’hébergement au mont Koya : un lecteur m’a mentionné cette auberge mais je ne sais pas si elle est toujours ouverte.

  • Koyasan Youth Hostel environ 3960 Yen la nuit en dortoir. Ou 9000y double

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Que voir au mont Koya

  • Le cimetière Okunoin et le Torodo, le temple des lanternes qui se trouve en son coeur
  • Le Kongobu-ji, temple centrale de la secte Shingo, entrée (500y)
  • Le Daïmon, portail de 21,5m reconstruit en 1705
  • Fudodo “Pavillion de lecture” bâtiment construit dans le style « shoin » de l’ère Kamakura en 1198 (reconstruit en 1932) entrée 200y
  • Le Danjo Garan qui est un complexe de temples conçus par Kukai du coté Ouest de la ville et qui comporte plusieurs pagodes dont la Konpon Daito culminant à 48m
  • Koyasan-Reihokan, musée abritant 20 000 objets, dont 21 trésors nationaux japonais
  • Miedo Hall, pavillon ouvert une fois par an le 21 mai
  • A voir, le Festival des bougies juste avant l’Obon (fête des morts) le 13 aout  à 7h et le Festival d’Aoba qui fête l’anniversaire de la naisance de Kukai le 15 juin à 12h

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Cartes Koyasan

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source de la carte : http://noobvoyage.fr/aventures/mont-koya-japon/