La Pologne, j’y suis né, je ne peux donc être objectif. Je ne le serai jamais. A vrai dire, je ne veux même pas essayer de l’être. 

Ce blog de voyages est le miroir de ma personnalité et face à un miroir, on se ment toujours un peu.

 

J’ai en mémoire les images diffuses de mon grand père m’emmenant à l’école maternelle en tirant le petit traineau sur lequel je me tien, la mine probablement réjouie, au milieu d’une tempête de diamants blancs.

J’ai en mémoire ce jardin immense, aux milles couleurs et mille parfums,  qui, des yeux d’un enfant aux tous jeunes printemps, offre autant d’aventure qu’une jungle profonde.

J’ai en mémoire les tranches de pain frais coupées en dés par ma grand mère assaisonnés de tranches d’oignons que je venais picorer entre deux sorties.

J’ai en mémoire les chemins des champs, à la sortie de la ville, à quelques pas de chez grand-père… ces chemins multicolores, attrayants et effrayants à la fois…

Il y a une certaine authenticité que j’associe à la Pologne.

Je ne saurai dire a quel niveau cette “authenticité” est d’un côté subie, de l’autre choisie par les polonais eux-mêmes.

Je ne pourrai vous dire si cela vient des petits marchés sauvages qui fleurissent encore ici ou là ou si cela provient de la chaleur des gens et de leur accueil. Malgré tout, quelques doutes subsistent…

Ces petits marchés fleuriraient-ils au coin des rues si les gens avaient les moyens de faire autrement ?

Cet accueil chaleureux le serait-il toujours si le demi siècle de socialisme n’avait amené les polonais à se rapprocher de leur voisin pour assurer une entre-aide dans le quotidien et une fuite face à la morosité ? Est-ce que cela durera encore longtemps ?

 

Malheureusement cela change…

 

La Pologne, “Ma” Pologne change… Car une part de cette authenticité est le fruit d’une certaine pauvreté, une pauvreté non de cœur mais matérielle.

D’autres part, la société d’aujourd’hui, ne nous le cachons, n’insiste pas tant sur ce que nous sommes mais sur ce que nous avons ou ce que nous montrons et donc, in fine, sur ce que nous possédons.

Les polonais ne sont malheureusement pas l’exception qui confirme la règle.

La consommation devient reine.

A l’image des Etats-Unis.

 

La privation liée aux temps rouges y est pour beaucoup.

Les pubs interminables entre chaque programme sur les chaines publics et privées aussi.

Cette démocratie que la Pologne expérimente depuis 20 ans, liée au capitalisme (peut-on dissocier facilement les deux ?), défigure, à mon sens, une certaine image que je garde de la Pologne. Une certaine ouverture avec son prochain qui s’estompe peu à peu avec les années, à mesure que nous avons plus à perdre en renvoyant à l’invité ce qu’il n’a pas et pourrait avoir.

Je ne dirai pas non plus que l’individualisme et le matérialisme à outrance prime, loin de là. Les polonais restent toujours très ouverts croyez-moi… mais certaines valeurs se perdent, les mentalités changent peu à peu.

 

Cette perte n’est d’ailleurs pas un mal typiquement polonais.

On ne peut pas non plus négliger, dans ce constat, à quel point les réseaux sociaux ont altéré notre approche de l’autre, notre notion “d’amis”, de contact . Cela joue aussi un rôle dans cette triste pente du renfermement sur soi. Je ne sais pas pour vous mais les gens les plus accueillants que j’ai croisé sur ma route, ceux dont l’hospitalité était la plus vraie, étaient ceux qui n’avaient rien à perdre, ceux qui s’enrichissaient du partage d’une histoire au moment du repas, de quelques sourires…

 

En Pologne, la bonté se dissout mais la beauté reste

 

C’est hypocrite de vouloir, dans un sens, que tout reste immuable,que rien n’évolue, que tout soit “comme avant”. Demander à l’autre de ne pas changer, de ne pas se développer, de ne pas accéder à un certain confort occidental sous prétexte que nous, nous savons à quel point cela peut être destructeur, est un comportement condescendant.

Je ne crois plus être à un paradoxe prés. Je dois donc être condescendant… un peu comme le français adoptif que je suis.

 

Comme un souvenir, je resterai à jamais amoureux de mes années innocentes durant lesquelles mes yeux à peine murs étaient trop jeunes pour voir et comprendre la réalité. Peut-être que ce tableau d’une Pologne idyllique aux couleurs ternes qui s’effacent ne fut jamais qu’une chimère après laquelle je cours. De même que pour beaucoup, la France correspond à l’image du parisien revenant avec sa baguette du boulanger et trainant dans un café, le béret sous le coude, le journal à la main. Il en existe encore mais cette “espèce” s’éteint…

 

La mémoire est sélective, on ne garde que le meilleur sinon on sombrerait dans la déprime… c’est sans doute pour cela que j’aimerai à jamais la Pologne. Pour ces images de carte postale dans lesquelles je pioche à loisir.

 

La Pologne fut bien grise autrefois et dans bien des endroits, elle l’est toujours, mais ceux sont les gens qui la rendaient multicolores, attachante, vibrante… ceux sont ces mêmes gens qui pour beaucoup doivent aujourd’hui, plus qu’avant, batailler dur pour joindre les deux bouts car le capitalisme n’est pas affaire de partage, d’échange mais de compétition, de concurrence.

Avant, on n’avait rien mais on avait au moins les autres, son voisin, avec qui en rire. Aujourd’hui, la pauvreté est affaire d’exclusion, de solitude… la consommation à outrance aussi car elle vous coupe de la réalité.

 

Pourtant, on ne peut pas blâmer l’argent qui permet de préserver des trésors architecturaux longtemps délaissés, de mettre à jour, si cela est fait dans un but de préservation du patrimoine, une partie des joyaux naturels pour que le reste soit protégé. Dans ce cas, l’argent est un moyen, non une fin, lorsque c’est le contraire, il n’arrange rien, il détruit dans le but de profits à courts termes.

Cependant, ne vous y trompez pas, il y a encore beaucoup de choses à découvrir en Pologne et ailleurs. J’espère trouver les mots et les images pour vous les montrer ! Ces mots d’aujourd’hui ne sont que le reflet d’une certaine nostalgie qui me baigne lorsque les premiers signes de l’automne pointent le bout de leur nez.