Dans la nuit la plus noire, lorsque mes années se comptaient sur dix doigts, j’ai écrit ces mots dans le coin d’une page d’un livre de ma jeunesse.

Toi qui est moi, n’oublie pas qu’un jour, tous les deux, nous aussi, nous écrirons de belles histoires. Nous aussi nous partirons, nous aussi nous voyagerons, nous aussi nous serons tristes car on a le même cœur, on a les mêmes rêves. Ne l’oublie pas, ne m’oublie pas et partons ensemble…

Pierre, 10 ans

 

Ce livre dans lequel figurent ces mots, c’est l’appel de la foret de Jack London.

 

Dites-vous que j’ai pleuré en les relisant. Cela vous paraitra sans doute guimauve à souhait mais j’avais envie de dire à ce petit garçon, ce petit bout de moi d’à peine dix printemps “regarde-moi, regarde-nous, je sais, je n’ai pas encore écrit de belles histoires, je n’en suis peut-être pas capable mais je fais de mon mieux avec mes mots et puis, j’ai un peu voyagé. Je ne t’ai pas oublié ! Il y a toujours eu une place pour toi en moi, l’écho de tes paroles ne s’est pas perdu, tes mots ne se sont pas échoués en silence sur le rivage du monde adulte, ils résonnent toujours dans mon esprit… Ce murmure s’est affaiblit avec le temps mais il est toujours là ! Nous avons le même cœur, nous avons toujours les mêmes rêves, bientôt, nous serons à nouveau réunis pour un grand voyage, bientôt, toi et moi, nous partirons ensemble, on ne lira plus que des histoires, on vivra la nôtre, je te le promets !”

 

Je ne sais pas si ce petit garçon m’a entendu. Peut-être qu’il a levé ses yeux vers le ciel étoilé et qu’un sourire lui est venu, sans raisons, juste ainsi… J’espère qu’il sera fière de moi, j’espère qu’il n’a pas trop honte. Ils devait s’imaginer que mes bottes des sept lieux seraient bien usées à mon âge. Deux ans d’attente peuvent lui paraitre un peu long… mais il faut du temps pour une telle aventure… Je devais parler d’auteurs et voila que je m’épanche encore. Dites-le si je vous ennuie hein 😉

 

L’appel de la foret de Jack London

 

Qui n’a jamais vibré à travers les aventures de Buck, volé à son maitre, passant de main en main, se faisant

difficilement une place dans ce monde sauvage et brutal, trouvant son protecteur et le perdant cruellement ? C’est un livre pour la jeunesse et je trouve qu’il ouvre es yeux sur une réalité que nos bambins parfois trop pouponnés ne perçoivent pas forcément… les notions de justice, de vengeance, de colère, de peur, de courage, de persévérance se mêlent a travers les paysages du Grand Nord Canadien et on se surprend à hurler à la lune au fond de notre lit… Croc Blanc est dans la même portée mais je garde une large préférence pour l’appel de la forêt.
Quant à l’auteur, un sacré bourlingueur que celui-là. Il a eu 10 000 vies lorsqu’on lit sa biographie : marin, menuisier, ouvrier, militant, patrouilleur, vagabond, chasseur de phoques, écrivain. Je ne suis pas assez bon en anglais pour saisir toute la beauté et la pureté de la langue, de fait, je me limite à la traduction française mais… quel beau récit !

Hemingway, de son petit nom, Ernest (Ou Ernie, pour les intimes). Faut-il le décrire ? Je vais rester classique, trop pour certains sans doute. Le Vieil Homme et la Mer, paf, cela vous jette un froid, non ? Non, ah, bon, j’aurai cru.

Pourquoi je l’aime ? Pour ce que je suis incapable de faire. Aller à l’essentiel. A la quintessence, à la pureté du langage. Point besoin de phrases alambiquées a rallonge. Les mots, rien que les mots. Les vrais, les grands, les simples mais les beaux.

Et puis je suis inconstant comme dirait l’ami. Je passe du menu fretin au désir de la grande tambouille. Je jongle avec les métaphores, m’emmêle dans les virgules et mon filet reste vide. Trop impatient. Je n’écoute pas assez et je parle trop. Au final, comme bien souvent, petit marin que je suis, coule lorsque la grande marée se pointe !

Coindreau, son traducteur, l’a bien dit. C’est ce style télégraphique, épuré à l’extrême qui attire. Et nous ? Les papillons aux ailes se collant au papier. On en redemande. Dommage, il est partit rejoindre trop tôt la “génération sacrifiée”, la première guerre, “la der’ des der’ ” capiche ? Je ne ferai pas d’autre rappel !

 

Tout en lui était vieux, sauf son regard, qui était gai et brave, et qui avait la couleur de la mer.

– Santiago, dit le gamin tandis qu’ils escaladaient le talus après avoir tiré la barque au sec, je pourrais revenir avec toi maintenant. On a de l’argent.

Le vieux avait appris au gamin à pêcher et le gamin aimait le vieux.

– Non, dit le vieux, t’es sur un bateau qu’a de la veine. Faut y rester.

 

Et la, le p’tit bloggeur et scribouillard que je suis vous dit. “Garçon, si t’connais pas. Lis !Tu verras, c’est court, c’est beau. Lis et tu verras bien!”

 

 

Je sais, les voyages, les récits c’est du vrai, c’est écrit pas des gens qui ont vu, qui ont vécu, qui ont subit. Pourtant, je n’ai jamais autant voyagé que la première fois où je l’ai ouvert. Je m’en rappelle encore. Le sapin, les boules de Noël et les guirlandes. Son emballage doré et puis le pyjama gris poivre que je n’ai plus quitté une semaine durant. Les repas oubliés, le sommeil “passe temps de trop”. Si je vous dis qu’il y a un vieil homme qui fait des ronds de fumée et que les rois ne sont pas ceux que l’on croit… j’en ai peut-être trop dit ^^ Qui devine ?