La recherche de vacances idéales est un jeu vain de séduction entre nos folles espérances et la réalité de la route. Le voyage, lui, se nourrit de nos imperfections. Il lisse les aspérités de nos espoirs et forge les souvenirs éternels sur des inattendus. Des compromis, des concessions, l’imprévisible qui s’immisce dans la planification.
Si tout se déroulait comme sur une liste à cocher, rien ne serait parfait. Tout serait prévu, au mieux satisfaisant. Mais si vous n’avez pas de carnet de bord, pas de thermomètre gradué d’avance avec un niveau de bonheur à atteindre, il y aura là l’espace pour l’instant impossible. Le moment parfait.
Celui que rien ne présageait, que personne n’attendait et qui a croisé votre chemin chaotique.
Le bonheur se cache parfois dans un grain de sable.
Alors voici mes 3 conseils pour passer des vacances parfaites.

Apprendre à dire oui

Apprendre à dire oui, c’est faire confiance à l’autre. A l’étranger en face de nous. Ne pas voir en lui qu’une menace mais potentiellement un être bon, curieux, généreux souhaitant juste partager le monde dans lequel il vit avec un inconnu. Oui on peut faire de mauvaises rencontres sur la route. J’en ai faites. Non le monde n’est pas parfait, mais il y a des personnes généreuses qui, vous voyant perdu, voudront vous rendre service. Rendre service sans aucunes mauvaises arrières pensées. Rendre service parce que c’est un acte bon et naturel.

Je me souviens encore de ce chauffeur de taxi à Delhi. La nuit tombe, je marche, ruisselant de sueur, dans cette atmosphère étouffante à travers le dédale des rues, à la recherche de cette fichue auberge qui devait bien se trouver quelque part. Jonglant entre quelques vaches bloquant la circulation, les trottoirs encore bondés de début de soirée, je jette un oeil désespéré sur l’itinéraire griffonné sur mon carnet, à la lumière d’une devanture de boutique, au croisement d’un carrefour qui ne figurait évidemment pas sur mon plan. J’ai cet air un peu hagard du type stressé par la foule, du type stressé par le bruit, par cette oppression silencieuse de la nuit qui tombe et qui sonne comme un compte à rebours.
Me croyant, à juste titre, quelque peu perdu, un passant me propose de l’aider. J’accepte. Je lui explique ma situation. Je lui demande si le nom de mon auberge lui dit quelque chose. Visiblement, il n’en sait rien. Il dodeline de la tête avec ce grand sourire si typique qu’il ne vous étonne plus après quelques semaines passées en Inde et court voir un chauffeur de taxi qui profite de sa pause. Après quelques échanges, ce dernier me fit signe de venir. A ce moment-là, je me disais “Lui et mon soit disant bienfaiteur ont senti le bon pigeon. Mais je ne me laisserai pas dépouiller facilement mon coco !”.
Voyant mes traits fatigués, le chauffeur me propose de m’asseoir dans son taxi un instant, histoire de souffler. Le passant lui, disparaît au milieu de la foule. Le chauffeur me demande d’où je viens, ce que je fais. Je lui dis que je reviens d’un trek dans le Zanskar, au nord de l’Inde. Il se moque de ma tenue (trop chaude) parfaitement inadaptée à la chaleur étouffante de Delhi. Il me dit, avec un air des plus sérieux, qu’il n’a aucune idée du lieu où se trouve l’hôtel où je compte me rendre. Nous voilà bien parti. Je lui dit que je n’ai pas de temps à perdre, que la nuit tombe, que j’ai soif, que je suis fatigué et que je compte bien trouver le lit que j’ai réservé pour la nuit. Il me retient, il me dit qu’il souhaite vraiment m’aider. Et contre toute attente, contre tous mes soupçons, c’est en effet ce qu’il fait. Il démarre la voiture en trombe. On passe plus d’une dizaine de minutes à se faufiler dans la circulation grouillante. Il héla un nombre incalculable de fois des collègues pour trouver le bon chemin et me mener à destination. A un moment, il s’arrête, sort de son véhicule et fonce dans la foule, sans aucunes explications et réapparaît quelques minutes plus tard avec un verre d’eau.
Au bout du compte, il ne voulait rien. Absolument rien, malgré mon insistance. Il souhaitait juste m’aider. Il avait fini son service et souhaitait juste réaliser une bonne action sans rien en retour. En me quittant, devant mon regard interrogateur, il me dit en riant “C’est bon pour mon karma, c’est bon pour ma réincarnation. Dans une autre vie, tu seras peut-être le chauffeur et moi l’homme perdu. Je serai alors heureux de te trouver.” Il m’a ému. J’avais les yeux qui piquaient. Soulagé, fatigué, honteux aussi de n’avoir vu en cet homme qu’un vulgaire magouilleur.

C’est une belle anecdote parmi les autres. Certaines rencontres ont eu un grand impact dans ma vie. Juste parce que j’ai accepté cette main tendue. Et pour moi, lorsque l’on dépasse cette peur naturelle, cette peur de l’autre, de l’étranger, de l’inconnu, distillée dans les médias à la suite, il est vrai, d’événements parfois tragiques, c’est à ce moment que l’on peut vivre, et que j’ai vécu, ce que l’on peut appeler des étincelles de moments parfaits. Parce
qu’elles me redonnent foi en l’être humain. Parce qu’elles me redonnent foi en moi-même.

Aller là où tu ne t’imaginais pas aller

Lorsque tu n’as pas d’attentes concrètes, irréelles, inatteignables, il est difficile d’être déçu. A l’opposé, tu as potentiellement toutes les raisons d’être agréablement surpris.
Je n’ai jamais été un montagnard ni un grand sportif. Je ne voyais pas l’intérêt de passer des heures voir des jours à suer, souffrir et se reposer dans des conditions parfois spartiates pour découvrir un lieu. Et puis il y eut une rencontre en Nouvelle-Zélande. Quelqu’un qui me pris sur la route en stop, qui me laissa en pleine nuit au milieu de nulle part. Ce nul part c’était le lac Tekapo. Un petit paradis
qui ne se trouvait pas sur mon itinéraire. Et à Mount Cook, peu après, à la suite d’une rencontre elle aussi impromptue au milieu du parc, je participais à une soirée qui me donna goût à la montagne, à l’effort, aux paysages grandioses et solitaires.
Le Moyen-Orient, lui non plus, ne faisait pas parti de mes coups de cœur. Il suffit d’allumer la télé pour trouver pléthore de raisons de ne pas s’y rendre. Et pourtant, j’ai adoré mon séjour récent en Jordanie. Ce pays n’était pas sur ma liste. Si on ne m’avait pas proposé de m’y rendre, je pense que je n’y aurai jamais mis, de mon propre chef, les pieds là-bas. Ce fut splendide. Totalement inattendu.
Un soir, alors que je regardais le soleil se coucher sur la Mer Morte en Jordanie, j’ai vu des lumières scintillantes des tours lointaines caressées par les derniers rayons. Israël. Un petit pays à l’autre bout de la frontière, juste en face et pourtant si loin. C’est un pays qui depuis m’intrigue. Parce que je ne l’aurai pas mis naturellement sur ma liste. Parce que, bien que n’y ayant jamais mis les pieds, je pense le connaître. Comme les rues de NYC à la suite des épisodes de Starsky et Hutch. Mais également grâce aux rencontres. Les jeunes israéliens sont de grands voyageurs. On en trouve généralement toujours un dans les coins les plus perdus et inaccessibles. Pour peu que l’on se montre curieux et ouvert, ils se feront un plaisir de vous parler de leurs pays et de leur région.
Mais d’expérience, je sais que l’opinion la plus juste, la plus vraie est celle que l’on se forge sur place. A la rencontre des personnes qui y vivent, de leur culture, de leur coutumes, de leur quotidien. Et me voici donc à scruter les bons plans pour un vol Paris-Tel Aviv. J’honorerai là quelques promesses de retrouvailles dans les vieilles rues de Jaffa ou de balades le long du bord de mer de Tel Aviv (Tayelet).

Il ne s’agit pas que d’argent

Payer hors de prix ton voyage n’est pas un gage de satisfaction. Vouloir à tout prix dépenser le minimum possible ne te permettra pas non plus d’avoir un sentiment d’accomplissement. Cela revient parfois à négocier pour quelques maigres centimes chez un commerçant le prix d’une babiole.
Tout d’abord c’est quoi pour toi voyager : S’agit-il de l’assurance de ne manquer de rien dans un « all Inclusive » ou de découvrir tous les aspects culturels d’un pays ?
J’aime manger. Bien manger. En voyage, je ne peux pas me passer de bons petits plats. Je ne supporte pas les fast food. A mes yeux, vu comment je me sens mal après, ce n’est pas manger. Je préfère souvent marcher le ventre vide que mal manger. Mais bien manger a un prix. Certes pas en Asie où la nourriture est relativement abordable mais un bon restaurant a un impact sur le portefeuille.
Pourtant, je ne regrette pas les sorties culinaires et dans certains cas, ils constituent un de mes plus beaux souvenirs de voyage. Par exemple, je n’oublierai jamais ce restaurant gastronomique dans le vieux Bergen, en Norvège (Bryggeloftet & Stuene) offert à ma moitié. Ce fut un orgasme en bouche. De même en Finlande, le dîner au restaurant Kalliokammi dans une ambiance moyenâgeuse juste après un sauna traditionnel restera un souvenir gravé dans ma mémoire. Non seulement par la qualité des plats, le charme du lieu mais également parce qu’il scella ce soir-là une amitié forte avec un collègue blogueur Nicolas de carnets-nordiques avec qui j’ai fondé le collectif de blogueurs outdoors TeamAventuriers. Ces restaurants ne sont en effet pas donnés. Certaines expériences ont un prix mais leur valeur personnelle en est inestimable. Quand je vois certains backpackers se targuer de ne quasiment rien dépenser en fustigeant ceux qui n’ont pas cette approche pour ensuite se bourrer la gueule à coup de bières pas chers, je me demande quelle est leur définition du voyage.

Dans l’exemple ci-dessus, j’ai parlé d’expériences culinaires coûteuses, je pourrai naturellement enchaîner sur des activités faisant appel au portefeuille comme mon saut en parachute au-dessus du lac Tekapo, ou mon tour en avion au dessus du parc de Mount Cook ou en Réunion mais comme je l’ai dit, il ne s’agit pas que d’argent.
Prendre sa tente et dormir à la belle étoile sur un chemin de campagne ou en montagne, c’est splendide, renversant et c’est gratuit. De même que se lever à l’aurore et déambuler dans les rues désertes de la magnifique Kyoto qui s’éveillent peu à peu. Même la très touristique Prague, tôt le matin, loin des foules, possède un charme sans pareille.
Voyager en stop, écouter les histoires des conducteurs, partager une saucisse grillée dans l’habitacle d’un chauffeur de poids lourd… s’oublier dans l’herbe, près d’un ruisseau caché par quelques saules pleureurs, par une belle matinée d’automne sur une aire d’autoroute allemande alors que cela fait la deuxième nuit qu’on a dormi dans une station-service, font partie pour moi de ces souvenirs magiques que je garderai en moi éternellement.

Vous serez surpris de reconnaître ces moments “heureux”. Ces moments parfaits. Il ne s’agit pas uniquement du prix que l’on y met, de la justesse de notre planification, du confort et de la sécurité que l’on éprouve… le cheminement personnel qui vous conduit à une destination donnée est, d’un certain côté, aussi important que la destination elle-même. Et si as besoin encore de quelques mots pour te convaincre de partir, je te conseille la lecture de ces deux articles : pourquoi tu devrais voyager seul et maintenant et ils te donnerait 1000 raisons de ne pas partir mais tu leur diras… Ils ont aidé d’autres voyageurs à sauter le pas, peut-être ce sera aussi ton cas 😉